top of page

Légende de la Veveyse

La catastrophe de Semsales

06

Ceux qui connaissent aujourd’hui la loyale, vaillante et religieuse population de Semsales ne manqueront pas de hausser les épaules à la lecture de l’histoire suivante. même nous qui la racontons, nous n’y croyons qu’avec peine - réserve que nous faisons point pour les autres légendes.

Il y avait donc autrefois à Semsales un prêtre poursuivi par les antipathies de la paroisse. Le prévôt de Grand-Saint-Bernard l’avait choisi et placé là contrairement aux vœux des fidèles.

Lorsque suivit une maladie qui devait promptement l’emporter, il ne remarqua autour de lui aucun signe de regret et de compassion. Plus ses douleurs augmentaient, plus les chants profanes de la jeunesse retentissaient bruyamment dans le village et jusque sous les fenêtres du presbytère.

Voici le jour de la sépulture. C’est un vendredi de novembre de l’an 1292, si la chronique est exacte. Tous les chrétiens de l’endroit devraient accourir à l’église pour participer à la lugubre cérémonie. Nul ne se dérange. Ils n’ont pas aimé le prêtre vivant, ils ne s’occuperont pas du prêtre défunt. Les messes terminées le clergé part de la chapelle pour se rendre au cimetière. Derrière le corbillard, il n’y qu’une seule personne, une vieille dame qui, à travers les misères de l’existence, a conservé confiance envers Dieu et le respect envers ses ministres. Seule, au nom de la localité coupable, elle prie, elle pleure, elle redoute l’avenir.

Cependant, à mesure que se poursuivirent les rites sacrés, un étrange phénomène s’accomplit. Des nuages accourent du fond de l’horizon, ils recouvrent la montagne, ils la dérobent à tout regard ; les ténèbres augmentent...

Soudain, à l’instant même où, le corps étant déposé dans la fosse, les prêtres entonnaient les De profundis : Du fond de l’abîme j’ai crié vers vous ! Soudain la catastrophe éclate.

O jour plein d’horreurs ! Nulle clameur ne retentit : seul un silence de mort répondit à ce coup de la vengeance divine. En une minute, chaque maison est devenue une tombe, chaque chambre est devenue un cercueil. Le village entier est comme transformé en cimetière, parce qu’on n’a pas voulu accompagner le bon prêtre au champ de repos !

On cite plus d’une preuve de la réalité de cette catastrophe. Ainsi encore la montagne qui, en cette journée mémorable était si enveloppée de sombres nuages, s’appela depuis lors la Noire Montagne, Niger Mons, autrement dit Niremont. De même à l’heure du fameux éboulement, une eau abondante s’échappa des entrailles de la terre, forma un ruisseau capricieux et fougueux, menaçant et dévastateur, connu aujourd’hui encore sous le nom de la Morte eau, Mortua aqua, Mortigue,  la Martivue, nom de sinistre augure, car ce torrent, honteux de son origine, veut prouver qu’il n’est point mort.

Enfin les salines, jadis richesse du pays, furent bouleversées et presque détruites. Quant aux habitants, ils n’ont conservé de cette fortune d’autrefois que le nom propre de Semsales, dont ils ont baptisé le nouveau village, en souvenir de sept sources salines (Septem Sales) qui avaient fait le bonheur des ancêtres...

bottom of page